LE DEFERREMENT

Maître Elodie Mabika

Maître Elodie Mabika

06 02 48 31 27

                        Cet article apporte à son lecteur un éclairage pratique sur le déroulement et l’issue du déferrement afin d’éviter toute confusion avec l’incarcération.

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                         Je vous présente un nouvel article en droit pénal abordant le sujet du déferrement.

                    Je rédige cet article après l’entretien de 30 minutes avec mon client pendant sa garde à vue. Un confrère m’avait gentiment suppléé lors de ses premières auditions la veille. Dès mon arrivée, le lendemain, il me disait d’un ton inquiet : « Maître, je vais être présenté, je vais aller en prison ».

                        Je réalisais  qu’il avait une information erronée sur le déferrement.

                     Il convient de souligner que lors d’une garde à vue, la personne entendue peut sortir librement sans risquer un déferrement dans trois situations.

                        Dans le premier cas, il n’y a aucune preuve à charge, ce qui conduit à un classement sans suite.

                       Dans le deuxième cas, le gardé à vue ressort librement des locaux munis d’une convocation par officier de police judiciaire (COPJ) à comparaître à une audience devant le tribunal correctionnel.

                        Enfin, dans le dernier cas de figure, le gardé à vue ressort libre des locaux avec une convocation à un mode alternatif de poursuites à savoir la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

                        La personne placée en garde à vue est moins anxieuse lorsqu’elle sort de là avec une suite sans déferrement. Pour les deux derniers cas de figure, elle sait qu’elle aura le temps d’organiser sa défense.

                        Or, même dans le cadre d’une suite donnée avec déferrement, la personne suspectée pourrait avoir suffisamment de temps pour organiser sa défense. Puisque le déferrement n’a rien à voir avec la détention.

                        Qu’est-ce qui ça se passe concrètement pendant le déferrement ?

                        L’article 803-2 du Code de procédure pénale dispose : « Toute personne ayant fait l’objet d’un déferrement à l’issue de sa garde à vue ou de sa retenue à la demande du procureur de la République ou du juge de l’application des peines comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d’ouverture d’une information, devant le juge d’instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d’instruction à l’issue d’une garde à vue au cours d’une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d’un mandat d’amener ou d’arrêt. »

                        Il est essentiel de retenir de ce texte que le déferrement est la présentation du gardé à vue au Procureur de la République ou au Juge d’instruction. Le Procureur n’a pas le pouvoir d’incarcération. Il est le maître de l’opportunité des poursuites. Après avoir entendu le prévenu, c’est lui  qui décide de la suite judiciaire à donner à la procédure.

                        Avant d’auditionner la personne déférée, le Procureur de la République lui informe de ses droits qui sont les suivants :

  • Faire des déclarations
  • Répondre aux questions ou de se taire
  • Être assisté d’un avocat 
  • Être assisté d’un interprète

                        Ces droits sont prévus dans l’article 393 du Code de procédure pénale qui dispose : « En matière correctionnelle, lorsqu’il envisage de poursuivre une personne en application des articles 394, 395 et 397-1-1, le procureur de la République ordonne qu’elle soit déférée devant lui.

Après avoir, s’il y a lieu, informé la personne de son droit d’être assistée par un interprète, constaté son identité et lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique, le procureur de la République l’informe qu’elle a le droit à l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office. L’avocat choisi ou, dans le cas d’une demande de commission d’office, le bâtonnier de l’ordre des avocats en est avisé sans délai.

L’avocat ou la personne déférée lorsqu’elle n’est pas assistée par un avocat peut consulter sur-le-champ le dossier. L’avocat peut communiquer librement avec le prévenu. Le procureur de la République avertit alors la personne de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. … »

                        L’avocat joue un rôle très important dans le cadre de la défense des intérêts de son client lors du déferrement. Il peut faire des observations sur :

  • la régularité de la procédure
  •  la qualification des faits retenue
  • le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête
  • la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité
  • les modalités d’engagement éventuel des poursuites

                         A l’issue de l’entretien de la personne déférée et des observations de l’avocat, le Procureur a trois options (Article 393 précité).

Soit, il choisit d’orienter la procédure vers un mode alternatif aux poursuites pénales ou de convoquer la personne déférée  à une audience ultérieure dans un délai de 10 jours à 6 mois. Cette décision peut être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique. Ces mesures sont prises par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) à la demande du Procureur et ce en attendant l’audience.

                               Soit, il décide de poursuivre immédiatement le prévenu. On parle alors de la comparution immédiate (CI). Mon client redoutait cette procédure lorsqu’il me disait : « Maître, je vais être présenté, je vais aller en prison ». En effet, le prévenu est jugé le jour même, sauf s’il demande un renvoi pour préparer sa défense. Même en comparution immédiate, la prison peut être évitée en l’absence de mandat de dépôt. Ce qui laisse la possibilité d’aménager la peine si les conditions sont remplies. 

                        Enfin, le Procureur peut opter pour l’ouverture d’information judiciaire. Le jour même, la personne déférée sera présentée au Juge d’instruction pour l’interrogatoire de première comparution. A la suite de celui-ci, il ressortira ou non avec un contrôle judiciaire ou au pire en détention provisoire. Mon client craignait également cette dernière mesure.

                        Il importe alors de retenir que le déferrement n’entraîne pas forcément une incarcération.

                                                                Me Elodie  MABIKA SAUZE

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