Vos parents sont exploitants agricoles et dès vos 18 ans vous avez travaillé bénévolement au sein de leur exploitation agricole. Même en l’absence de conscience d’un contrat de travail, la loi considère que vous étiez lié par un contrat de travail.
Tout travail mérite salaire !
Si vos parents sont informés des dispositions légales, ils pourront vous rétribuer dans le cadre d’une donation-partage.
Toutefois, en l’absence de donation-partage, sachez que rien n’est perdu. En effet, vous pourrez vous prévaloir de cette créance salariale à l’ouverture de la succession de vos parents et ce avant tout partage.
Dans les deux cas de figure, on parle de salaire différé.
Le salaire différé est le revenu de l’enfant d’un exploitant agricole tiré de sa participation gratuite au sein de l’exploitation familiale.
L’article L.321-13 du Code rural et de la pêche maritime dispose que « Les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers ».
Ainsi, selon la loi, des conditions cumulatives sont à remplir par l’intéressé pour pouvoir se prévaloir de la créance de salaire différé :
§ Etre âgé de plus de 18 ans au moment de la collaboration
§ Avoir participé directement et effectivement à l’exploitation
§ Avoir participé bénévolement au sein de l’exploitation familiale
La période maximale rémunérable est fixée à 10 ans. Autrement dit, vous ne pourrez pas vous prévaloir d’un salaire différé dès la 11ème année. Cela dit, à partir de la 11ème année, la collaboration reste du bénévolat.
Le montant du salaire différé est déterminé selon le calcul prévu à l’alinéa 2 de l’article L 321-13 du Code rural et de la pêche maritime qui dispose que « Le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l’exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l’exploitant ».
A l’ouverture de la succession, le créancier du salaire différé peut être confronté à une difficulté, celle de voir les cohéritiers contester l’existence de la créance. La solution à cela est de rapporter la preuve des conditions cumulatives énumérées ci-dessus et ce par tout moyen. En effet, aux termes de l’article 1353 du code civil « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver »
Il pourra notamment produire une attestation d’inscription en qualité d’aide familial auprès de la Mutuelle sociale agricole (MSA) pour établir sa participation directe, effective et gratuite à l’exploitation familiale ainsi que des témoignages de son entourage.
Attention à la prescription de 5 ans à compter du décès des parents ! Passé ce délai, les cohéritiers pourront à juste titre vous opposer la prescription de votre créance salariale différée.
Sur un plan fiscal, le paiement du salaire différé n’est pas soumis au droit d’enregistrement mais il reste imposable dans la catégorie de l’impôt sur le revenu.
Me Elodie MABIKA